mercredi 30 avril 2014

Contre la mucoviscidose, le combat continue - Grégory Lemarchal, 7 ans déjà


1er mai 2007. J'ai dix ans, je suis en CM2 et mes parents n'ont jamais voulu que je regarde la Star Academy. Je suis dans la voiture, en train de zapper mécaniquement les stations de radio, jusqu'à ce moment où je tombe sur une voix familière. Une voix incroyable, presque angélique, qui a ce don de vous laisser bouche bée pendant une durée indéterminée. Grégory Lemarchal. Pour la petite fille que je suis, malgré sa maladie dont j'ai maintes fois entendu parler comme d'une "saloperie de maladie", cet homme est immortel. Un ange descendu du Ciel. Pourtant, à la fin de la chanson, l'animateur de cette station de radio reprend le micro et prononce ces mots : "c'était Grégory Lemarchal, qui nous a quittés hier". Je connais le sens de cette expression, ce doux euphémisme, mais je ne peux me résoudre à y croire. Impossible. Il doit sûrement être en train de dire que Greg était à la radio la veille et qu'il en est parti, voilà tout. Je m'obstine à croire que l'animateur a mal choisi ses mots, que l'ange est toujours parmi nous. Mais en rentrant à la maison, je ne peux rester dans cette situation de doute et vérifie immédiatement sur Internet. Les médias sont unanimes : Grégory Lemarchal est décédé hier, 30 avril 2007, à 23 ans, des suites de la mucoviscidose. Je me plonge dans mon lit et éclate en sanglots. Pourquoi ? Pourquoi les meilleurs partent-ils toujours les premiers ? Cette nuit-là, je m'en souviendrai toute ma vie. Impossible de fermer l’œil. Impossible d'accepter une telle nouvelle.

Malgré mon jeune âge, je me mets aussitôt à récolter un maximum d'informations sur la maladie dont souffrait Grégory. J'en apprends plus sur les soins apportés aux malades, les associations qui luttent contre cette "saloperie", les possibilités d'agir pour espérer un jour l'éradiquer totalement. Je me renseigne sur les "Virades de l'espoir", dont j'avais déjà entendu parler à l'école. Mais aussi sur l'association "Vaincre la mucoviscidose" et sur le don d'organes. Je ne suis pas la seule à être bouleversée par ce décès et à vouloir désormais me battre pour aider des milliers de gens à s'en sortir. Malheureusement, pour Grégory et bien d'autres, il est trop tard.



Le décès de Grégory aura au moins pu faire bouger les choses. Grâce à sa médiatisation, son capital sympathie auprès du public, son éternel courage, le petit ange se sera fait porte-parole de milliers de jeunes qui, comme lui, n'attendaient qu'une petite greffe pour enfin vivre. Pour enfin respirer.


Aujourd'hui, cela fait sept ans que Grégory Lemarchal nous a quittés. Sept ans de combat, sept ans pendant lesquels son papa Pierre, sa maman Laurence et sa sœur Leslie - son carré d'as comme ils se plaisaient à s'appeler -, mais également ses proches, Karine ou Nikos notamment, ont pris le relais et parviennent à faire bouger les choses. A l'aide de manifestations comme les Virades toujours, ou la Fête de la Vie, mais également grâce à des concerts que Pierre organise régulièrement, l'association Grégory Lemarchal représente aujourd'hui un espoir de plus de vaincre la mucoviscidose.


Mais rien n'est encore fait. En 2014, 6000 personnes sont atteintes de la mucoviscidose en France, et 70000 dans le monde. Et bien que l'espérance de vie se situe à plus de 46 ans, l'âge moyen du décès n'est que de 27 ans, et chaque année encore des centaines de jeunes sont arrachés à leurs familles. Pourquoi ? Sans doute parce que le don d'organe reste encore un sujet souvent tabou pour beaucoup de français. J'en discute régulièrement autour de moi. Mes parents sont donneurs, mes frères et sœurs encore un peu trop jeunes pour être réellement conscients de ce dont il s'agit. Mais les réactions de mes amis me surprennent toujours. Pour certains, le don d'organes "fait peur". J'entends souvent autour de moi : "je ne me vois pas me faire découper". Mais rendez vous bien compte, on ne parle de ça qu'en cas de MORT ! Votre corps ne vous sera plus d'aucune utilité, quand bien même vous puissiez croire à la réincarnation ou à une vie dans les Cieux après la mort. Si chacun clamait haut et fort sa volonté de donner ses organes en cas de mort, nous n'en serions pas là. N'oubliez pas, il s'agit là de l'action la plus simple et pourtant la plus importante, pour espérer enfin tuer cette "putain de maladie".



Pour autant, l'association a également besoin de donateurs, sans qui elle ne pourrait continuer à exister. La moindre somme peut tout changer. Equipements médicaux, aménagements des hôpitaux, confort des malades, recherche de traitements... Sans argent, on ne peut rien. Il n'y a malheureusement pas que le Téléthon ou les Enfoirés qui ont besoin d'aide... "Moins de dons, c'est moins d'espoir" n'a de cesse de répéter Pierre Lemarchal, papa de Grégory et Président de l'association. Ils comptent sur nous. Nous qui avons tendance à nous morfondre sur notre sort en oubliant toutes ces personnes qui cachent derrière leur sourire une immense souffrance. Mais eux n'abandonneront jamais. Et nous devons lutter avec eux, et pour eux. Pour ceux qui sont partis, et ceux qui restent encore. L'espoir fait vivre.

Je vous écris ces quelques lignes en ce 30 avril, date anniversaire de la mort de Grégory, mais n'oubliez jamais que ce combat est quotidien. Printemps, été, automne, hiver, 30 avril, 14 janvier ou 4 août, des jeunes gens meurent sans que l'on ne s'en rende compte. Nous pouvons faire changer les choses. "Gagnons le combat pour que plus jamais la mucoviscidose ne nous arrache à ceux qu'on aime" - Laurence Lemarchal.

"Sous son regard, le combat continue"


Je vous invite désormais à vous rendre sur le site de l'association et à faire tout ce qui est en votre possible pour lutter, encore et toujours... Jamais la fin, ensemble continuons d'écrire l'histoire, celle de Grégory et de tous les autres.

Vous pouvez également vous procurer l'ouvrage bouleversant de Laurence Lemarchal, "Sous ton regard", paru aux éditions Michel Lafon en 2009.

mardi 1 avril 2014

Ce jour où Guillaume Gallienne m'a bouleversée


Voilà quelques mois déjà que j'ai eu la chance d'assister à une des premières projections publiques du film de Guillaume Gallienne qui a tant fait parler de lui ces dernières semaines, ce film qui a raflé cinq César parmi les plus prestigieux - meilleur film, meilleur premier film, meilleur acteur, meilleure adaptation, meilleur montage -, j'ai nommé "Les garçons et Guillaume, à table !". Cette avant-première avait lieu lors du Festival de Sarlat, auquel j'ai participé en novembre dernier, et au terme duquel le film a reçu le prix des lycéens. J'ai longtemps hésité avant de poster mon avis sur cette première réalisation, tant Guillaume Gallienne m'a bouleversée, ne trouvant rien à redire au point de lui attribuer une note de 5/5 lors du festival. Mais aujourd'hui, j'estime que le moment est venu. Voici donc, en quelques paragraphes, comment Gallienne est parvenue à atteindre quasiment la perfection en un long-métrage.


Guillaume Gallienne tombe le masque. Une jolie métaphore illustrée par le premier plan du film qui donne directement le ton. La comédie pour panser ses plaies, telle est la solution trouvée par Guillaume Gallienne. Mieux qu'une quelconque séance de psychanalyse, et pourtant Dieu sait qu'il en a testé des médecins, Guillaume. Pour comprendre, pour accepter. Pourquoi cette différence ? Pourquoi tant de jugements à son égard ? Et puis en grandissant, il a compris. Il s'est longtemps cherché, guidé par le spectre de sa mère adorée planant sans cesse au-dessus de lui. Elle voulait une fille, n'en avait jamais eu, Guillaume lui servirait donc de fille de substitution. Il a gravi les années sans se poser de questions sur sa sexualité. Il était Guillaume, la fille de maman, et il aimait les garçons, comme la plupart des filles. Il a rencontré Jérémy, en est tombé amoureux. Du moins c'est ce que le Guillaume façonné par sa mère croyait. Et puis un jour, après de nombreuses tentatives infructueuses, il a croisé le regard d'Amandine. La révélation. Guillaume était homme et parfaitement hétérosexuel de surcroît. Au travers d'une pièce de théâtre d'abord, puis de cette adaptation cinématographique, il nous raconte cette histoire unique en son genre. Pas pour régler ses comptes. Aucun esprit de vengeance. Guillaume a aimé sa mère et l'aimera toujours. Tout comme ses frères, son père et tous les personnages qu'il dépeint avec malice dans ce premier long-métrage. Au contraire, c'est ici une vibrante déclaration d'amour que ce comédien au talent démesuré leur fait. A eux mais aussi à toutes les femmes et tous les hommes.

Guillaume Gallienne interviewé par Philippe Lefait à Sarlat
Émouvante expérience. Tel est mon ressenti après deux visionnages des Garçons et Guillaume, à table. Sur le fond et sur la forme. Guillaume Gallienne, comédien du Français dont la réputation théâtrale n'est plus à faire, ajoute ici une corde à son arc en écrivant et réalisant ce film, en plus d'interpréter son propre rôle et celui de sa mère. Une mère qu'il connaît si bien et qu'il admire tant qu'il est capable de reproduire la moindre de ses mimiques, la moindre modulation de sa voix. Au-delà de l'incroyable histoire qui sert de toile de fond au film, la réalisation est surprenante, sobre mais délicate, soignée et agréable. Les allers-retours entre la scène du théâtre où Guillaume interprète son spectacle et les décors d'antan rythment parfaitement le film. La bande-son, des plus réussies, est un atout supplémentaire à ce film qui possède déjà une longue liste d'arguments pour nous convaincre.


Mais parlons donc de ce qui nous intéresse le plus : l'enfance, ou plutôt l'adolescence de Guillaume Gallienne et ses difficiles premiers pas dans la vie d'adulte dans laquelle il ne semble pas trouver ses marques. Né dans une famille aristocrate, Guillaume est un enfant choyé par sa maman qui voit en lui la fille qu'elle a toujours rêvé d'avoir. Dès son plus jeune âge, un fossé se creuse entre ses deux frères aînés et lui. Il sera Guillaume et eux les garçons. Son père, lui, n'accepte pas cette différence. Il a trois fils et souhaite que son cadet se mette à niveau égal avec ses frères. Mais Guillaume ne veut pas. Il est une fille parce que maman veut qu'il soit une fille et papa doit le comprendre. "Les garçons et Guillaume, à table !" se révèle être une succession de situations toutes plus cocasses et hilarantes les unes que les autres - un voyage en Espagne où Guillaume apprend à danser la « sévillanne », un séjour dans un internat anglais, une imitation de Sissi, de multiples rencontres avec des psys, des tests d'entrée pour l'armée, un tour dans une boîte gay... - agrémentées de répliques toutes extrêmement drôles - en témoigne cette phrase du médecin de l'armée qui, lorsque Guillaume renverse une mallette pleine de médicaments lui dit « Au moins vous n'êtes pas tout seul ! »


J'ai ri aux éclats tout au long du film la première fois que je l'ai vu. Étrangement, la seconde fois je n'ai dû laisser s'échapper que deux ou trois rires, la gorge nouée parce que je m'attardais sur la seconde facette de cette comédie bien plus sombre qu'il n'y paraît. Ce personnage complexe que s'était construit Guillaume lorsqu'il était enfant, puis adolescent, puis jeune adulte, nous touche sans que l'on puisse réellement s'y retrouver. Sa situation est vraisemblablement unique et bien que toute personne ayant vécu ou vivant encore dans un mal-être des plus profonds puisse parfois s'y identifier, notamment lors des passages chez les psychologues et autres psychanalystes, personne ne peut comprendre le combat entre l'enfant que Guillaume pense être et ce que tout le monde voit de lui. Si ce film est à mon sens une réussite totale, c'est parce qu'il parvient à nous bouleverser sans jamais tomber dans le pathos, à nous émouvoir sans jamais exagérer. Tout est savamment dosé, si bien que même la scène de la piscine, métaphore d'une tentative de suicide qui échoue, passe au premier abord pour une scène plutôt comique.

Nous assistons ici à la naissance d'un homme. Homme dont la vie n'a pas toujours été un long fleuve tranquille, mais qui a su trouver le chemin pour se débarrasser de ses blessures. Le théâtre pour panser ses plaies, voilà qui correspond bien à Guillaume Gallienne...



LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...